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17 août 2014 7 17 /08 /août /2014 12:17

 

Bruine. Exhalaison funeste. Je couine par semelles de crêpe, je grince par arthrose complexe. Le chandail en berne sur ma peau nue suinte le gras de ma chair flasque. Je trébuche de flaques en boues. Les tags flashent, le ciel glisse du noir au gris. Le périple est long entre ces vieux cons qui disent non et ces laiderons trop effarés pour être regardées.

J’épouvante !

 

Par terre et par fange, mon pantalon traîne. Il ramasse. Mégots, caillasses, cadavre…jamais une richesse. Il va finir par s’user à se démener ainsi. Aujourd’hui c’est vase. Ca le lavera. L’horizon est encore loin mais voici le pont sous lequel je vais fumer une ultime clope. Au courant d’air, le rouge se consume.

J’évente.

 

La fumée filandreuse tournicote comme un tortillon à moustiques. Du ruban bleu descend l’arlequin. Un rire à la main, le grand peinturluré s’embrasse les pieds. Il allume un feu dans un bocal délaissé. Le rouget s’est échappé au fond d’un lac acide. Le pantin s’imprime sur les arches par face entière. Il éternue le vert, il crache le jaune. Le sourire me disparaît. Putain de tuberculeux.

J’invente.

 

J’épouse le dernier chemin, cœur battant, impatient. Il pleut plus fort sur ma tête sans cheveux. Ils se sont barrés au moment où j’en avais le plus besoin. On n’embrasse pas un chauve, encore moins on ne l’épouse.

Quatre derniers mètres trop longs au milieu d’anciens boulons. On décharge ici…ce qui fut. Des noces de fer pour bagnards d’acier. Je tambourine des pieds les tôles allongées. Ca change des clapotis.

 

Le portail bleu apparaît enfin. De la peinture qui tient du bois. Ca me résiste et je ne supporte pas. Je secoue la poignée, je frappe de la godasse jusqu’à faire carillonner la cloche.

 

« Putain ! Tu vas laisser mon portail.

- Veut pas s’ouvrir

- C’est l’humidité qui le fait travailler. Laisse faire sinon tu vas le casser ».

 

Je pénètre dans la cambuse. Tout est de travers, ça doit travailler comme son portique. La baraque pue le chien mouillé à en écorcher les narines.

 

« T’as un clebs ?

- Ouais. Il mijote dans la cocotte.
- Tu me fais goûter ?
- Y en a que pour un. C’est du chihuahua ».

 

Je détourne mon sourire, des fois qu’il le prenne en otage. Le living-room à tout de la pièce où crever. Un canapé cuir éventré, une télé couchée, de la bière giclée et les fenêtres cassées. La brume étouffe l’espace.

 

« Qu’est-ce que tu veux ?

- Six soleils.
- T’as de quoi payer ?
- J’ai douze lapins dont deux femelles enceintes, des coquelicots et de l’herbe sauvage.
- Y sont où ?
- Sous le pont. Ils aiment pas la pluie.
- J’te suis ».

Il m’accompagne, son haleine dans le cou comme un revolver dans les côtes.

« Ils sont tout rabougris. 
- Ouais mais y en a douze, peut-être même seize. J’ai pas pu les engraisser. Pas eu les moyens.
- Ca vaut pas plus de trois soleils.
- Putain ! Y en a deux enceintes.
- Qui te dit que les nouveaux ne seront pas morts nés. Faut s’en occuper un peu mieux de tes animaux. C’est trois ou rien.
- Ok ça roule ».


J’ai accroché mon soleil dans ma piaule qui dégouline de papier peint mal collés. Il éclaire ! Il illumine les lais arrachés !
Les murs reculent. Les brouillards s’enfuient par les fenêtres. Une pelouse ondoyante recouvre le lino flétri. Les tapisseries s’ouvrent sur des vallées chatoyantes. A l’est s’élève des montagnes à collerettes blanches tandis qu’au sud une prairie de coquelicots se berce aux vents rares. Je me couche au pied d’un pommier offrant mon corps nu au bienfait de la lumière solaire. Mes cheveux repoussent, ma peau se retend. Mes dents ne tremblent plus devant la pomme offerte. Je respire à pleins poumons libérant ma carcasse des contractures humides. Mes muscles saillent, ma voix tonne, mes maux se pansent. Le plafond libère un ciel lumineux. Son bleu forme un cours d’eau non loin de moi. Je cours m’y abreuver avant que tout ne disparaisse. Je ne puis trop me prélasser. Vite il faut chasser. L’antilope saute de gerbe en gerbe. Je patiente, je traque, j’attrape. Les canines plantées dans les chaires chaudes j’éructe des soupirs barbares. Mais déjà la lumière décline. Mon soleil perd de sa vigueur. Les brumes guettent. Je m’endors fourbu.

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10 août 2014 7 10 /08 /août /2014 11:54

 

mouton-noir.jpg

 

 

La grève menace mes frères !

Depuis que Gnome 1er a été élu à la majorité des crétins, le conflit couve.

Les jalousés s'accrochent à leurs privilèges attisant la haine des pauvres d'esprit.

Et au-dessus planent les vautours.

Les gagne-misères grattent le sol, le nez dans leurs pieds écorchés alors que l'or flotte par nuage au-dessus de leur dos courbés.

Et ce n'est pas contre les voix impérieuses et célestes qu'ils grognent mais contre leurs voisins qui mâchouillent deux racines rances au lieu d'une.

L'envie mine la vermine.

Ils s'aveuglent de responsabilités ! Ils s'enorgueillissent du statut de bon esclave !

Je parle de VOUS !

Vous qui passez sans m'entendre, sans me regarder !!!

Mes frères...

 

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4 août 2014 1 04 /08 /août /2014 18:37
 

Josiane rêvait en couleurs et s'habillait toujours de noir. Elle avait l'esprit en fête, la mine terne, la pensée habile, la main gauche. Elle avait perdu la droite dans un accident stupide. Un portail acéré, un courant d'air ou son frère, enfin bref un enchaînement qui l'obligeait maintenant à porter un avant-bras en cire. Josiane enseignait les mathématiques. Les enfants la rendaient aigre, les chiffres lui donnaient l'air austère. Chaque année, elle effrayait les petits sixièmes avec son bras ballant qui heurtait parfois un élève distrait. Pour éviter ce genre d'incident, elle devait le tenir contre elle de sorte qu'elle professait les bras croisés. Lorsqu'elle était fatiguée, elle le posait délicatement sur le bureau. Parfois il lui échappait et c'est un bruit sourd qui résonnait alors dans la classe, épouvantant les enfants.

Josiane connaissait plus de problèmes avec les cinquièmes. Plus turbulents et surtout moins effrayés, ils profitaient du manque de sensation du membre factice pour le faire fondre avec leur briquet. Malgré les réprimandes, les colles et les convocations des parents, c'était devenu un challenge pour qui muait de devenir un homme. La légende disait qu'un certain Sébastien Mayet avait réussi à faire disparaître entièrement le pouce sans s'être fait prendre.

 

Bien que tout le collège connaissait cette histoire, personne n'avait partagé le parcours scolaire de ce Sébastien, sauf peut-être le pion qui était un ancien élève. Thierry Chaussette comme le surnommait les écoliers tant il émanait de lui u ne odeur âcre. Le visage constellé de cicatrices rouges relatives à une acné féroce, il poursuivait l'œuvre de sa mère au lieu de suivre les penchants alcooliques de son père. Bien qu'appréciant les paradis artificiels, il préférait les fumer que les boire. Question de génération. Thierry tentait bien de faire valoir ses diplômes des hautes écoles de commerce mais son physique le desservait tellement qu'il ne dépassait jamais le stade de l'entretien. Par facilité, il gardait cet emploi de pion qu'il occupait depuis douze ans déjà et par dépit il se vengeait sur les jeune à l'avenir prometteur. Il développait aussi une forte animosité envers les enseignants et il fallut une bourrade virile du prof de sport pour qu'elle ne dépasse pas les limites de la correction.

 

Cette mise au point, ou au pli, coïncida avec l'arrivée d'une nouvelle enseignante. Laure Calvi remplaçait la déprimante Ginette Bauch aux arts plastiques. Fraîchement titulaire, elle souriait chaque matin. Généralement court vêtue, poitrine généreuse et faciès avenant, elle fit tout de suite l'unanimité auprès de la gente masculine. La salle des professeurs devint moins enfumée, Thierry plus silencieux et plus rouge, et les enseignants plus fourbes, surtout celles dont la beauté semblait tout d'un coup défraîchie. Les cours de dessin connurent un regain d'intérêt et nombreux furent les élèves de troisième qui désirèrent s'inscrire aux beaux-arts. Cela fit quelques remous dans les familles qui souhaitaient guider leur progéniture vers des études aux débouchés plus concrets. La réunion semi-annuelle parents-profs permit de régler ces différends, surtout auprès des pères.

 

Célibataire, Laure fit tourner bien des têtes. M. Rogon, professeur d'histoire géographie, second du collège, fut le premier à craquer. Cet homme si barbu, ce Raspoutine à la toque seyante rentra en éruption dès que Melle Calvi fit son apparition. Un coup de foudre au sens premier du terme. Dès le lendemain, il entreprit une cour assidue. Fleurs en bouche, agressivité en poing. Les autres males devaient se tenir loin de Laure sinon le tsar des récréations entraient dans des fureurs que seuls les frustrés peuvent développer. Chantant à tue-tête au moindre sourire, il plongeait dans des profondeurs de noirceur dès qu'elle oubliait de le saluer. La situation dégénéra au point où il omettait d'être présent à ses cours pour suivre ceux de dessin. Il réclama même des cours particuliers que naïvement Laure accepta. La pressant de lui tenir le poignet pour le croquis d'un vase, il s'emporta comme un buffle en rut. Plaquée sur le bureau, elle ne dut son salut qu'à ses larmes. Rugon revint à lui devant le tableau de sa madone en pleurs. Il s'enfuit du collège et jamais nous ne le revîmes. La place du second de l'établissement se libérait en même temps que le périmètre de sécurité autour de Melle Calvi. Hormis Laure, tous les professeurs complotèrent dans leur ombre pour décrocher soit l'une soit l'autre, soit les deux faveurs.

 

Chacun endossa un rôle sur la scène de l'ambition. Le plus assuré fut sans nul doute M. Carminatto, professeur de sport. Bien que marié, il ne lésina pas sur les hauts moulants, affichant pectoraux et biceps en saillis. La blague grivoise et les cheveux gominés, il excellait dans le ridicule sans pour autant que quiconque ne lui fasse remarquer. La mésaventure de Thierry avait frappé les esprits. Laure s'en amusait. Elle le croqua si bien qu'elle en fit une galerie de caricatures. Dégonflé mais pas abattu, il se fixa sur le poste de second arguant de son ancienneté. Cette promotion lui semblait nécessaire pour convaincre Melle Calvi de ses attraits hors du commun.

 

Les femmes enseignantes intriguèrent auprès de Laure pour qu'elle occupe toute l'attention des hommes. Elles s'efforcèrent à paraître vieillies, austères, responsables. Non seulement elles mettaient en évidence les charmes du professeur de dessin, mais en plus, elles épousaient une silhouette qui leur semblait coller au poste de second. Josiane vécut très mal cette stratégie. Pour une fois que son physique la mettait en valeur, il fallait que ces mégères la dissimule par leur ressemblance. Elle se vengea en répandant sournoisement la rumeur de l'homosexualité de Laure. La gente masculine, désemparée, retourna son obsession dans les bassesses de l'ambition.

 

Le combat faisait rage depuis quatre mois lorsqu'à la veille des grandes vacances, je déclarai avoir fait mon choix. Je convoquai tous les professeurs un samedi matin. Aucun d'eux ne se plaignit de l'empiètement sur un jour de repos et tous furent ponctuels. J'avais fait préparer le réfectoire afin que mon assemblée puisse m'entendre en même temps qu'elle dégusterait des croissants. J'ai toujours pensé que les grandes annonces passaient mieux la bouche pleine.

Carminatto vint accompagné de ses enfants. Une lettre anonyme l'accusait de tromperie et sa femme en avait profité pour partir avec son amant. Josiane, le sac au bras de cire, mâchonnait ses lèvres. La tension qui torturait son visage évoquait ses rêves en couleurs ; on la sentait inapte à la désillusion.

Thierry, en habitué des échecs, ne s'imaginait rien. Il était présent parce que je le lui avais ordonné. Il profitait du spectacle et des viennoiseries, muet aux salutations. Je grimpai sur l'estrade, vigoureux et souriant. La totalité des professeurs optèrent pour une position d'écoute polie. Tous liés derrière le café, tous désunis face à la promesse du poste de second.

"Chers amis, chers collègues. En tant que directeur du collège St Joseph, j'ai l'honneur de vous présenter ma future femme, Laure Calvi bientôt madame Genévrier. De plus je la nomme second de l'établissement. Le collège y gagnera en efficacité et en rendement."

 

Un brouhaha envahit la salle. Les véhémences s'exprimèrent en volées de miettes. A demi-étouffée, l'assemblée accueillit Laure avec dégoût et amertume. Tous voyaient là une calculatrice qui les avaient dupés. Les femmes insultaient sa jeunesse, les hommes ses seins. Jamais ils ne pensèrent que j'avais usé de ma fonction pour attirer la belle. Trop obnubilés par leurs conflits, ils avaient excellé dans les chausse-trappes dégageant la voie de ma proie. Les délices de Sade me revinrent en mémoire. L'innocente enseignante se joignait à moi pour rire de la médiocrité de ses collègues ignorante de mes desseins. Quelles délices que la confusion empourprant ses jours lorsqu'elle comprit mon stratagème. Farouche, elle succomba à mon désir dès lors que j'évoquais l'amour, le mariage et la famille à l'ancienne. Elle sera une épouse parfaite, si agréable à tromper.

 

Parce qu'il n'y a pas meilleure source de satisfaction que le pouvoir.

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4 août 2014 1 04 /08 /août /2014 09:10

 

Il y a des enfants qui méritent qu'on les abandonne. Quand tu vois ce que Léopold est devenu, je me dis que je n'aurais jamais pu le regarder grandir. D'ailleurs, si on y réfléchit bien, c'est valable pour pratiquement tous les enfants. Il faut avoir donné vie à un personnage telle qu'Edith Piaf pour être fière de sa maternité !

Moi, dès que j'ai vu Léopold, j'ai su qu'il ne serait rien. Je ne l'ai pas supporté, j'ai préféré le donner à une voisine...à condition qu'elle déménage. D'une pierre deux coups comme on dit ! Du vent, la jeunette qui pleurait sans cesse son infertilité. Je lui ai redonné le sourire, elle m'a fichu la paix.

Quoique...au début elle m'écrivait, elle m'envoyait même des photos du petit...les plus belles...elle voulait peut-être que je le reprenne...elle aussi s'apercevait que Léopold ne serait rien d'autre qu'un être quelconque ? Jamais je n'ai répondu. J'ai attendu qu'elle se lasse.

 

Léopold, c'est le nom de son géniteur. Ah ! Je l'ai aimé son père. Il était beau, marin et le sang chaud. Il a pris un mauvais couteau dans une rixe. Il s'en est pas relevé. J'ai reporté tout mon amour sur mon ventre. Neuf mois de passion nombrilaire pour ça. Il faut croire que trop, ça gâche. Ah quand je l'ai vu ! Un froid m'a glacé la nuque, déchaussé les dents. J'ai refusé de le toucher. La sage-femme l'a mise en couveuse et durant deux heures je l'ai vomi des yeux. Quelle laideur, quelle prévisibilité dans ce visage. Son existence se dessinait dans chacun des plis de sa peau, la médiocrité s'exhalait de son faciès, l'inintérêt suintait de ses courbes. C'en fut trop, je m'endormis sur ce cauchemar.

Au réveil, j'espérais en une tromperie de la fatigue. Je me glissais à la nurserie souhaitant qu'au milieu de toutes ces larves, il ne se démarque pas. Dans l'anonymat des berceaux, parmi tous ces bouts de chairs, un seul exposait son incapacité au mystère, un seul affichait la certitude d'aucun devenir et c'était celui de mes entrailles. Je fus tentée d'échanger les prénoms avec un joli poupon, un bébé rose, silencieux, les yeux grands ouverts, mort ou en plastic...mais je ne pus tant son patronyme exprimait la stupide adoration anglo-saxonne.

 

J'ai alors patienté, simulé un attachement par-dessus un dégoût qui croissait au fil des jours. Et puis l'idée de l'abandon a germé. Elle a poussé comme un lierre grimpant. J'en fus couverte au point d'oublier parfois l'existence du gnome. Par peur d'un insanité qui me priverait de liberté, j'ai réfléchi à l'élégance d'une séparation. Et le don m'est apparu comme le plus noble des sacrifices. je devenais une sainte et surtout j'effaçais de mes yeux et de mon cœur cet affreux asticot.

 


 

Hier j'ai vu ma mère pour la première fois. Elle promenait son chien dans un square vide. Un truc pas plus gros qu'une courgette se faisait sermonner à chaque fois qu'il avançait trop vite ou qu'il traînait.

Je me suis approché et je lui ait dit :

- Pourquoi ne pas l'abandonner si vous ne l'aimez pas ?

Elle m'a fixé pendant une lourde minute et elle a susurré au milieu d'un sourire :

- J'avais raison. Tu ne ressembles à rien.

Elle a continué à me regarder, immobile, accablée par ce qu'elle voyait.

Grande, blonde, le nez furet dans un manteau de lapin, elle incarnait toute l'élégance d'une mère dépourvue d'instinct maternel. Elle flanqua un coup de pied à Pétrus pour qu'il fasse demi-tour et s'extirpa du square sur la pointe de ses talons aiguilles.

Je la rattrapais avant qu'elle ne disparaisse dans la foule des boulevards.

- Nous pourrions peut-être prendre un café ?

Elle se raidit et sans se retourner elle aboya :

- un cognac, en terrasse, si tu ne crains pas le froid.

Nous marchâmes côte à côte. Moi scrutant son profil, elle le regard droit devant, glaçant l'horizon. Pas un mot ne fut échangé avant que nous nous assîmes seuls à un bistrot crasseux.

Attablée, elle sortit une bague à tabac et au milieu de ses doigts manucurés elle glissa une feuille à papier blanc. Avec grâce et souplesse, elle roula une très fine cigarette qu'elle éclaira d'une allumette. La fumée s'accrochait à ses cils qui semblaient battre d'ennui.

- Pourquoi m'avez-vous abandonné ?

Sans tressaillir ni même réfléchir, elle répondit instantanément :

- Tu suintais la médiocrité.

En lourd silence tomba sur la table métallique blanche constellée de minuscules éclats de rouille.

Elle but d'un trait son cognac, les yeux clos, les respiration en suspend. Son image demeura longtemps figée ainsi dans mon esprit alors que son chien gémissait après un sucre qu'elle maintenait au-dessus de sa gueule depuis que nous étions assis.

- J'ai une femme et deux enfants marmonnais-je honteusement et je...

- Ce n'est tout de même pas pour me présenter tes chiards que tu m'as retrouvé ?

- Non, non...pas du tout...c'est que je...je les ai abandonné...

Aucune émotion ne perturba sa pose. Elle concéda enfin la friandise à Pétrus. D'une voix monocorde, elle affirma sans me regarder :

- C'était la meilleure chose qui pouvait leur arriver.

Puis elle se redressa, déposa un billet et tira sur la laisse.

Je restais sur ma chaise, vide, perdu, jusqu'à ce qu'elle disparaisse au loin.

 

 

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27 avril 2011 3 27 /04 /avril /2011 10:13

 

 

J'ai été jeune avant toi et tu seras vieille avant moi.

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4 juillet 2010 7 04 /07 /juillet /2010 20:31

 

Elle a la plastique d’un sac de jute. Un rectangle sur deux pattes orné d’une tête toute frisée. Elle peut sortir d’un dessin animé surtout lorsqu’elle s’habille de jaune et de violet. Mais même les couleurs glissent sur elle et ne ressort que le gris de sa mine rarement réjouie.  

 

Sa féminité n’apparaît pas plus dans sa voix d’adjudant chef. Elle ne parle, elle ordonne. Jamais d’humour, jamais de bonjour. Des ordres et des invectives. Si seulement elle était chef, on lui pardonnerait. Mais elle n’est que collègue, collègue de tout le monde, du moyen comme du médiocre. Elle aspire aux sommets et pense petit. Elle empile les heures supplémentaires et les remarques fielleuses. Elle exhale la supériorité de la femme seule.

 

Lorsque les bureaux se vident, elle s’accroche à son rapport, maugréant contre les mères chargées de famille.

A 19 heures, elle furète auprès des derniers réfractaires à l’appel familial, les ultimes conseils de la journée.

Enfin seule, elle s’accorde un sanglot juste avant que les femmes de ménage ne désemplissent les corbeilles. Puis elle s’emmitoufle dans son lourd manteau rectangulaire, descend l’escalier de service et pousse laborieusement la porte de sortie.

 

Elle glisse le long des vitrines à la recherche d’une idée surgelée pour son plateau repas. Les phares des bus allongent l’ombre de sa silhouette un instant puis la relâche comme claque un élastique. Elle s’étire et se retire de lumières en réverbères jusqu’à son deux pièces cubique.

 

Elle pénètre dans son antre sur la pointe des pieds pour ne pas réveiller les souvenirs enfouis dans les placards du couloir. Elle allume le stroboscope rectangulaire trônant au milieu du salon et s’hypnotise du malheur de ses voisins. Là voilà réchauffée, énervée…fâchée…réconfortée. Elle s’offre un verre d’eau bien fraîche, la télécommande fumante encore en main. Toute cette misère éventrée par l’œil cathodique la comble de sentiments. Elle boit à grandes gorgées cette vie de l’autre côté. Elle s’en inspire, s’en gargarise, s’en écœure jusqu’à plus soif.

 

Alors elle s'endort, repue, souriant enfin à la journée suivante. 

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30 juin 2010 3 30 /06 /juin /2010 18:02

 

Aujourd’hui je fête l’anniversaire de notre séparation.  

Cela fait bientôt six mois que nous ne nous regardons plus.

Parce qu’elle m’observait autant que je l’admirais.

Mais un soir, je l’ai jetée par la fenêtre.

Il était 20h03. La chaleur de la journée laissait place à une douce tiédeur estivale.

Pour fêter le week-end, nous sirotions un château Segur 2000, debout dans le salon.

Et puis, subitement, un bruit de trop ou une image insoutenable. Je l’ai défenestrée.

Elle s’est répandue sur les dalles de la terrasse, sans ostentation de mauvaise aloi ;

peut-être même avec art, si bien qu’elle y demeure encore.

 

Au début, je n’ai pas spécialement ressenti de délivrance ni de manque.

Elle avait disparu comme si jamais je ne l’avais pas connue.

Au-delà de la présence ou de l’absence. L’inexistence.

Ce n’est que maintenant que je m’aperçois des changements en profondeur.

Je ne suis plus effrayé lorsque je croise une bande de jeunes qui s’expriment avec force de cris.

Je n’imagine plus qu’ils sont une menace mais qu’ils dégagent l’énergie de leur âge. Et je souris.

D’ailleurs je souris énormément depuis que je marche la tête haute, sans crainte de mon prochain.

Parfois si haut que je découvre les différentes teintes du ciel. Extraordinairement, il n’est pas que de gris.

Certains bleus sont magnifiques ; j’ai même découvert que la pluie ne tombait pas sur nos chaussures pour nous ennuyer. Aussi anodin que cela puisse paraître, une véritable révolution s’opère en mon esprit depuis qu’elle gît sur la terrasse.

Je suis libre d'apprécier, de ressentir, d'aimer. J'ai le temps de déambuler, de sourire et de regarder depuis que je me suis séparé de ma télé.

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30 juin 2010 3 30 /06 /juin /2010 18:00

 

« Bonjour ! Je suis Alexei Potache. Pullitzer 1953


Bonjourrrrrrrr. Je suis Svetlana Gronzki. Miss Albanie 1907


Aujourd'hui nous sommes avec Robert, clodo dans le métro...


Robert, tout d'abord dois-je vous souhaiter une bonne journée ? N'est-ce pas un tout petit peu ironique quand on sait que ce soir vous devrez dormir dehors ?

Si !? Quand même. C'est bien, vous avez de l'espoir. C'est une belle leçon pour nos téléspectateurs.

 

D'ailleurs, voudriez-vous bien rassurer nos concitoyens en leur exposant les raisons pour lesquelles vous êtes clochard ?

 

Vous avez été licencié ! Certes, mais tous les licenciés ne se retrouvent pas à la rue tout de même. Comment se fait-il que vous, personnellement, vous ayez échoué ainsi ? Vous aviez une prédisposition ?

Je veux dire que dans votre famille, on est clodo de père en fils.

 

Votre père était ingénieur aux ponts et chaussées. C'est déjà un petit signe. Et votre mère ?

 

Elle est morte lorsque vous aviez 4 ans.

Ah ! Vous voyez que vous n'avez pas un profil commun. Licencié et orphelin, ça ne court pas les rues... si je puis me permettre.

Mais creusons encore. Aimiez-vous votre travail ?

 

Pas plus qu'un autre ! Comment pouvez-vous dire cela alors que vous avez la chance d'observer au quotidien le flot des travailleurs qui s'entassent dans les wagons ? Il faut ressentir de l'amour pour sa tâche pour accepter de s'agglutiner ainsi matins et soirs. Je ne suis pas certain que j'arriverais à surmonter mon dégoût juste pour trimer.

 

Faisiez-vous de même avant d'être licencié ?

Et qu'est-ce qui vous a empêché de poursuivre ?

 

Une année quoi !!?? Sabbatique !? En pleine crise économique, vous avez pris une année sabbatique au lieu de chercher du boulot ! Vous vous rendez compte que c'était du suicide ?

 

A l'époque, non. Évidemment. Et maintenant vous regrettez.

Pour autant, vous n'étiez pas encore à la rue. Qu'avez-vous fait ensuite ?

 

Vous avez postulé à des offres d'emplois. Et ?

Ca n'a rien donné !

 

Avez-vous vraiment cherché ?

Oui.

 

Je ne vous crois pas. Ce n'est pas possible. Quand on veut, on peut !

Vous avez fait des petits boulots.

Il ne faut pas avoir honte. Il n'y a pas de sots métiers.

 

Vous deviez choisir entre payer votre loyer ou manger.

Ah parce que vous n'étiez même pas propriétaire et endetté !?

Vous avez encore moins d'excuses.

 

Rassurez-moi. Votre penchant pour l'alcool, ça date d'avant votre licenciement ?

Même pas !

 

Vous êtes tombé dans la boisson en même temps que dans la dépression.

Alcoolique et dépressif en plus d'être orphelin. Il me semble que vous êtes symptomatique d'une certaine faiblesse, qui vous condamnait déjà tout petit à déchoir.

 

Nous vous remercions mon brave.

Nous pouvons rendre l'antenne rassurés.

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30 juin 2010 3 30 /06 /juin /2010 17:59

 

Hier, j'ai dû me résigner à prendre les transports en commun faute de chauffeur. Et quelle ne fut pas ma terreur de devoir me fondre dans la masse des gueux. Pire que la crasse et les parfums bon marché, le plus insupportable se loge dans leur son.

 

Comment décrire la mélodie de la pauvreté ? Comment exprimer cette insupportable lourdeur d'être ? En chacun d'eux réside, et ce même pas au niveau du soupçon mais bien en quantité exagérée, une incapacité au savoir-vivre, une cuistrerie qui confine l'inélégance à l'habit quotidien.

 

Et cette exaspérante bassesse s'allie à une laideur physique qui place la femelle du pauvre au rang du bovidé. Le poil gras, le double-menton et l'œil torve de l'alcoolique... je comprends qu'elle se réfugie dans la contemplation de nos compagnes qui s'affichent généreusement en double-page glacées des revues bon marché. Quelle grandeur d'âme que celle de nos femmes. Elles offrent du divin à peu de frais tout en se faisant insulter à longueur de pages par les doigts rongés des caissières de supermarchés.

 

Quant à l'homme, il est aussi terne que sa condition. Plat, sans relief ni horizon ; sans profondeur ni raison. Le vent balaye perpétuellement son cerveau où grincent quelques borborygmes qu'il ose appeler pensée !

 

Et le pire dans tous cela, c'est que ce vide a de l'orgueil ! Comme tout pauvre, il aspire à la richesse ! Comme tous les petits, il mime la grandeur. Mais point de comédie ni de tragédie, tout est joué avec sérieux. Mais peut-on parodier l'abondance avec talent lorsqu'on nait pauvre ?

 

Je ne vois dans tous ces visages des satisfaits, des résignés, des maudits.

 

Les premiers portent, tout sourire, l'éclat de leur servitude. Certainement qu'ils torturent plus qu'ils ne s'aliènent. Oublient-ils leurs chaînes dans la souffrance de leurs semblables ?

 

Les seconds grisent leur déception d'un lourd voile de brume. Des espoirs de gloire oubliés dans les boues de la condition humaine. Ne s'aperçoivent-ils pas qu'il faut être fils de... pour réussir ? Nous en élevons un par loterie et la masse le contemple ébahie, avant de gratter avec plus de furie les tickets vides.

 

Et les derniers, la lie de la société, ceux dont l'originalité condamne. Trop gros, trop laids, trop bêtes... trop ou pas assez, mais de combien ? Et ils cherchent...

Tous des abrutis...

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12 décembre 2006 2 12 /12 /décembre /2006 09:51

- Que faîtes-vous mon père sur cet escabeau ?
- Voyons mon fils, je décore le sapin de noël
- Avec ce nœud coulant autour du cou ?
- Je vais me pendre à une branche d'un sapin, nous manquons de guirlande.  

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